Le pouvoir de direction de l’entreprise dont est investi l’employeur comporte, sauf clause expresse du contrat de travail, les droits de fixer unilatéralement les horaires de travail des salariés et d’affecter ceux-ci aux différents postes dans l’entreprise ; ces pouvoirs sont larges mais pas illimités et doivent être motivés par les nécessités de l’entreprise.
Dans un récent arrêt, la chambre sociale de la cour d’appel de Lyon a dit que l’employeur avait abusé de son pouvoir de direction dans la fixation des horaires de travail du salarié et, en conséquence, dit que le licenciement de ce salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamné l’employeur à payer à ce dernier la somme de 14.400 € à titre d’indemnité, outre d’ordonner le remboursement par cet employeur à PÔLE EMPLOI de six mois des indemnités chômage payées au salarié licencié.
La cour d’appel a pris notamment en considération les contraintes familiales importantes de l’intéressée – mère séparée de trois enfants dont un atteint de troubles importants du comportement, elle-même atteinte d’une affection longue durée et sans famille à proximité pour l’aider -, la taille de l’entreprise – douze salariés – et l’obligation qu’a l’employeur « de traiter de manière différente les salariés en fonction de leurs charges familiales afin que l’impact de l’activité professionnelle sur la sphère personnelle et familiale soit équivalent pour tous », pour estimer « qu’en imposant à X des horaires de travail incompatibles avec une situation familiale particulièrement difficile, le gérant de la S.A.R.L. Y a abusé de son pouvoir de direction, que le refus de X de se conformer à ces horaires n’est donc pas fautif (et) que le licenciement fondé sur ce refus est par conséquent dépourvu de cause réelle et sérieuse ». Lyon, ch. soc. 23 janvier 2013, n° 12/02204.
Nicolas Bonnet, avocat au barreau de Lyon.
La jurisprudence évolue décidément dans le sens du salarié. Il y a une quinzaine d’année environ le refus par un salarié d’une modification de ses horaires pouvait entraîner son licenciement pour faute grave. Le 17 octobre 2000, la Cour de cassation (pourvoi N° : 98-42177) considère que la faute n’est pas grave, dans un cas de licenciement pour faute grave présentant des similitudes avec l’affaire que vous citez. Depuis la Cour de cassation considère qu’outre la légitimité du motif de l’employeur, le cas personnel du salarié peut déterminer si retenir la faute grave est justifié ou non. Dans l’affaire que vous citez la Cour d’appel de Lyon dit « que le refus de X de se conformer à ces horaires n’est donc pas fautif (et) que le licenciement fondé sur ce refus est par conséquent dépourvu de cause réelle et sérieuse ». La Cour d’appel motive son arrêt par le fait qu’elle estime que l’employeur aurait pu faire différemment en faveur de cette salariée.
L’évolution peut être vue comme une bonne chose pour les salariés. Du point de vue employeur, il peut y avoir une certaine inquiétude quant à la réduction progressive du pouvoir de direction.